Jeter un regard neuf sur la question, en visant une évolution de l’aide aux victimes

En 2000, au cours de la fin de semaine de Pâques, notre fille Cory, âgée de 20 ans, a été assassinée par un ancien petit ami qui n’acceptait pas sa décision de mettre un terme définitif à leur relation marquée par des ruptures répétées.

Nous avons pris notre petit-fils à notre charge le jour-même où le corps de Cory a été découvert enfoui sous un chalet, dans un lieu de villégiature, à quelque 50 milles au nord de là où elle habitait. Nous ne savions rien des mauvais traitements qui avaient été infligés à notre fille et auxquels elle avait succombé. Nous n’avions que des soupçons, qui devaient être confirmés au cours de l’enquête préliminaire. Par ailleurs, nous étions dans l’ignorance totale quant à ce que notre petit-fils avait vécu la nuit où sa mère a été assassinée et à l’incidence que cela aurait sur sa vie.

Au cours de la première année suivant le décès de notre fille, nous avons été beaucoup aidés par les organismes d’aide aux familles en situation de crise. Notre petit-fils a commencé à subir une série d’évaluations pour établir l’effet de ce traumatisme sur sa vie. Nous supposions, à l’époque, qu’en raison de son jeune âge, il finirait par oublier la plupart des événements liés à ce drame. Malheureusement, les fonds alloués pour payer la thérapie sont les mêmes pour un enfant de trois ans que pour un adulte. Dès qu’il a eu cinq ans, nous n’avons plus eu de prestations pour défrayer la psychothérapie. Ce n’est que lorsqu’il a eu sept ans que nous avons finalement découvert qu’il souffrait d’un trouble de stress post-traumatique, lequel devrait être traité à long terme, soit jusqu’à l’âge adulte.

Inutile de dire que le meurtre de Cory a causé un grand bouleversement au sein de notre famille. Notre fils, alors âgé de 17 ans, a lutté pendant neuf ans pour donner un sens à sa vie. Il s’est mis à consommer de la drogue et de l’alcool pour atténuer la douleur. Il nous a récemment dit qu’il avait songé à se suicider à plusieurs reprises. Au printemps 2008, il s’est inscrit à un programme de traitement et est sobre depuis dix mois.

Ma femme a sombré dans une dépression profonde, peu de temps après le décès de Cory. Elle en voulait à Dieu d’infliger une telle douleur à notre famille. Elle a atteint le fond du baril en 2004. Elle a dû prendre un congé pour raison médicale et n’est jamais retournée à la profession qu’elle avait choisie, soit celle d’infirmière en soins intensifs. Il a fallu près de huit ans pour qu’elle puisse prendre plaisir à la communion du dimanche matin avec les croyants rassemblés dans notre église.

Mon approche face à la tragédie vécue par notre famille a été diamétralement opposée. Le lendemain matin du décès de Cory, je suis resté assis dans mon garage, avec ma première cigarette de la journée et mon café, et j’ai demandé à grands cris que quelque chose se produise dans ma vie. Je savais que j’aurais besoin de l’aide d’une puissance supérieure pour faire en sorte que notre famille, déchirée par le drame, ne s’écroule pas complètement. C’est alors que j’ai senti la chaleur envahir mon corps, comme je ne l’avais jamais sentie auparavant. J’étais certain que Cory se trouvait en lieu sûr, qu’elle ne souffrirait plus jamais. Cette expérience a transformé ma vie.

En plus de toutes les difficultés dans lesquelles nous nous débattions, les organismes de service nous ont laissé tomber après l’audience relative à la détermination de la peine, en 2001, parce que nous avions assumé la tutelle de notre petit-fils. C’est comme si on nous avait abandonnés dans notre lutte pour préserver notre emploi, et notre gagne-pain. Nous avons demandé à recevoir des soins à domicile pour notre petit-fils afin de pouvoir retourner au travail, mais nous avons eu comme réponse qu’il faudrait payer pour ce service parce que nous en avions apparemment les moyens. Au début de l’année 2007, nous avons perdu nos emplois, ce qui a fait augmenter le niveau d’anxiété au sein de notre famille, dans la lutte pour subvenir aux besoins de notre petit-fils.

Y a-t-il un bon côté à tout cela? Et bien, il semble que la seule chose dont notre petit-fils avait besoin pour faire des progrès était un milieu de vie calme et dont le rythme est plus modéré.

Il semble avoir commencé à aller mieux en 2007, peu de temps après que j’ai eu pris congé de mon emploi, en vue de mieux m’occuper de ma famille. Était-ce une coïncidence? Peut-être, mais les progrès réalisés par notre petit-fils au cours des 18 derniers mois ont été spectaculaires. Nous espérons être sur la bonne voie pour faire de lui un bon citoyen.
Oui, il y avait une raison à l’« intervention divine » qui s’est produite ce matin-là dans mon garage. Je crois sincèrement que, sans cette intervention spirituelle dans ma vie, notre famille aurait été beaucoup plus touchée, et brisée pour de bon. C’est ma foi en une puissance supérieure qui m’a donné la détermination nécessaire pour mener à bien cette tâche. Notre petit-fils aura un jour 18 ans, et ce jour-là, je me ferai de plus en plus entendre au sujet des moyens qui existent pour venir en aide aux enfants à risque.

Ce drame aurait-il eu des effets bien moindres sur notre famille si nous avions bénéficié d’une approche différente en matière d’aide? Je sais que si nous avions reçu, après l’audience relative à la détermination de la peine, le même niveau de soutien que celui que nous avions eu avant l’audience, nous aurions probablement pu conserver nos emplois et nos revenus. Notre petit-fils aurait commencé à guérir beaucoup plus vite si nous avions pu bénéficier des services à domicile que nous avions demandés.

Le défi, pour les années à venir, sera de savoir comment les organismes de service peuvent mieux venir en aide aux victimes d’actes criminels dans la collectivité. Il faut jeter un regard neuf sur la question, en allant au-delà du processus judiciaire.

Arthur Lepp